« La justice poétique demandait qu’on entende au moins une fois sa voix, imaginée, certes, recrée à partir de fragments de réalité et c’est à cela que s’emploie ce livre ».
Cette voix évoquée par le scénariste Jean-Luc Fromental dans sa postface, c’est celle de Stephen Ward, « improbable ostéopathe-portraiste-ordonnateur des plaisirs de la Gentry », au coeur de cet album et du scandale qui ébranla l’Angleterre des Sixties : l’affaire Profumo. Une affaire qui a donné lieu à de nombreux ouvrages depuis l’année où elle a éclaté, 1963, et que cet album vient rappeler à notre époque hautement conspirationniste. Les faits ? Un ostéopathe de la bonne société londonienne, Stephen Ward, ami des puissants de l’époque, partage avec eux leur goûts des rencontres mondaines, raffinées et sensuelles. Il fait un jour la connaissance de Christine, jeune danseuse au charme éblouissant, et l’installe vite chez lui. Non pour en devenir l’amant, contrairement à ce que tout le monde semble penser, mais pour en être son mentor, celui qui l’aidera à gravir les échelons d’un monde inaccessible pour elle. Et c’est lui qui lui fera rencontrer Ivanov, attaché naval de l’ambassade d’URSS, et un peu plus tard, John Profumo, ministre de la Guerre. Tout cela en la laissant continuer à retrouver les boites de jazz moins huppées et plus populaires, et plus dangereuses au final pour elle : ses amants d’un soir peuvent vite devenir des tyrans dont elle peine à sortir des griffes. La belle finit par connaître tant de choses des différents monde qu'elle fréquente que tout cela peut exploser d’un moment à l’autre au visage d’un Stephen Ward, qui voit le danger trop tard, et d’un gouvernement qui va payer le prix fort…
Toujours aussi doué pour les intrigues complexes mêlant en scène de nombreux personnages, Fromental réussit réussit à nouveau son coup, comme celui de Prague paru dans la même collection, et toujours avec son complice, le grand Miles Hyman. Le dessinateur restitue à sa manière sensuelle et sensible les après-midi récréatifs au bord de piscines débordant de naïades, les soirées libertines de la bourgeoisie, et les nuits plus ou moins feutrées des clubs de jazz. Et fait parfaitement passer les états d’âme d’un Stephen Ward désabusé au moment où il enregistre sa version de l’affaire. Une mélancolie diffuse plane tout au long des pages de cette histoire tragique et noire. Une romance anglaise, oui, mais pas une bluette.
Une romance anglaise ****
Scénario Jean-Luc Fromental et dessins Miles Hyman
Dupuis (Aire Libre) – 102 pages couleur – 23 €
Sortie le 7 octobre 2022
Et pour mémoire :
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