Magnifique tir
groupé ces derniers mois d'albums aux intrigues tout droit sorties
des années de guerre froide ! Et avec des scénaristes qui
n'hésitent pas à mettre en scène des héros pas vraiment attendus
: un garagiste nonchalant, un reporter animalier un brin neu-neu et
un duo de choc espion du SDECE / homme de science ... Et tout ce
petit monde vit de trépidantes aventures sous la plume de disciples
chevronnés de la ligne claire...
Robert Sax,
de Rodolphe et Alloing est le dernier arrivé de la bande. Dans
"Nucléon 58", voici ce héros-malgré-lui,
garagiste dans le Bruxelles de 1957, plongé par hasard au coeur
d'une affaire de plans secrets de véhicule révolutionnaire, à
l'énergie atomique (époque oblige !). Robert vient en aide à son
meilleur ami, Boon, libraire de son état, qui a hérité par hasard
des plans que toute une ribambelle de personnages louches rêve de
s'approprier. Des agents de services secrets, of course.
Dans "Paradis
perdu", Sax se retrouve cette fois la cible d'une bande de
mafieux, en plein centre d'un règlement de compte entre gangs. Avec
une seconde affaire qui vient se superposer à cette première :
l'assassinat d'une chanteuse dans des conditions qui replongent
Robert dans un passé douloureux. L'amour de sa vie, Alice a été
tuée dans le même quartier, à la même heure, avec le même
calibre, quelques années auparavant...
Robert Sax, en
patron de garage mélancolique et désabusé, est un personnage
attachant, tout comme le sont les personnages secondaires qui
gravitent autour de lui : Boon, le libraire, Raoul, le fidèle mécano
(car le patron ne met jamais les mains dans le cambouis) et Peg, la
secrétaire de choc, qui a le bon goût de ne pas être une blonde à
forte poitrine mais une brune à cheveux courts, et dont on pressent
qu'elle pourrait prendre plus de place dans la vie du patron, pour
former un vrai duo confronté à des enquêtes à rebondissements. Espérons-les retrouver, car ces deux premières aventures sont vraiment plaisantes à
lire.
Kaplan &
Masson forment eux déjà un duo original, dont l'apparition remonte
déjà à 2009 (dans "La théorie du chaos") et c'est un
vrai plaisir de les retrouver enfin dans cet ahurissant "Il
faut sauver Hitler". Jean-Christophe Thibert, seul au
commande pour ce second tome (Didier Convard a imaginé et scénarisé
le premier tome ) a repris le mythe du Führer ayant échappé à la
mort dans son bunker en avril 1945, et dont les adorateurs, eux, dans
le secret, préparent le retour. Pas vraiment original, se dit-on,
sauf que très vite, on voit l'habileté de l'auteur : il ne s'agit
pas du vrai Hitler mais d'un sosie, un Français, Jules Lantier,
germanophone distingué et acteur... Une trouvaille des services
secrets français, pour enfumer les pays adverses, où Lantier est le
personnage-clé de l'opération "Piège à cons". Cela
marche si bien que le pauvre Hitler de pacotille (mais au demeurant
très crédible) est devenu l'homme à abattre de tout le monde....
Il faut donc le tirer des griffes d'innombrables ennemis. Ce que font
Kaplan, Masson et le facétieux japonais Watabe, dans une succession
de scènes hyper-spectaculaires où les coups de poing pleuvent, les
mitraillettes arrossent à gogo, les murs de chambres d'hôtel sont
pulvérisés au bazooka, et des véhicules de toutes sortes finissent
en amas de tôles informes. Le tout avec une précision, une élégance
et une efficacité dans le trait qui forcent le respect. C'est même
carrément du grand art ! Il y a évidemment une dimension parodique
à tout cela, et ce second tome franchi un palier dans ce domaine. Et
donne fortement envie de retrouver plus vite ces grands malades...
Mais le plus
malade d'entre tous reste bien l'inénarrable Scott Leblanc,
qui dans sa quatrième aventure, a l'immense honneur de croiser sur
sa route rien de moins que Sa Majesté le Roi des Belges. Notre
sympathique reporter, comme aime à le qualifier ses auteurs, est
tout fier d'avoir obtenu une interview du roi Baudouin, car comme il
le dit : " J'ai le sentiment qu'un homme aussi charismatique
doit avoir des choses passionnantes à dire sur le monde animal"...
Ah ? Vous ne saviez pas ? Scott Leblanc travaille pour le magazine
"Bien en vue" où il tient avec une foi et un enthousiasme
chevillés au corps la rubrique "Des animaux et des stars".
On imagine donc son excitation à la future rencontre avec Baudouin.
Sauf qu'il ignore qu'il va servir d'appât à une odieuse
substitution d'altesse, menée par de sinistres individus et qu'il va
tout simplement se faire enlever. Et sa brave maman, folle
d'inquiétude va supplier le professeur Moleskine, habituel compagnon
de route (mais qui se passerait bien de ce fardeau) de Leblanc. Les
voici donc tous deux sur les traces du pauvre reporter, aux mains de
méchants qui ont pour simple ambition de rayer de la carte URSS,
Etats-Unis et Europe et d'installer un ordre nouveau...
"Echec au
roi des Belges", est déjà la quatrième aventure de Scott
Leblanc et il faut dire sans détour : c'est toujours aussi débile...
mais qu'est ce que c'est roboratif ! Voilà un pur pastiche de Tintin
: c'est évident graphiquement, Devig dessinant dans un style tout
hergéen ces aventures débridées, et cela se confirme au niveau des
textes, écrits avec Geluck. On ne compte plus les "diaboliques
machinations", "sinistre forfait" et autre expressions
surannées qui parsèment les conversations et récitatifs. La cerise
sur le gâteau étant bien entendu la naïveté simplette du héros,
toujours là pour poser les questions les plus stupides aux moments
les plus délicats. Et en plus, sa mère est cette fois de la partie.
C'est un sacré personnage que Devig et Geluck ont inventé là, et
il faut espérer que les cinq aventures aux titres alléchants (en
particulier, "Seul contre l'OAS" !) annoncées au dos de ce
quatrième tome verront le jour...
Kaplan et Masson 2 – Il faut
sauver Hitler ****
Scénario et
dessin Jean-Christophe Thibert
Glénat, 2016 –
48 pages couleur – 13,90 €
Robert Sax 2 - Paradis perdu ***
Scénario Rodolphe
et dessin Louis Alloing
Delcourt, 2016 -
48 pages couleur - 14,50 €
Scott Leblanc 4 -
Echec au Roi des Belges ****
Scénario et dialogues
Devig et Philippe Geluck - Dessin Devig
Casterman, 2016 - 48
pages couleurs - 12 €
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