"C'est comme
si ma vie entière était un tapis qu'on avait brusquement retiré
sous mes pieds, mais au lieu de retourner sur le sol, je chute sans
fin. Et je ne sais pas où se trouve le fond"
Cette réflexion,
Alex McKay, jeune homme effacé, la partage avec John, un homme qui a
accepté de le prendre à bord de sa voiture, sur le parking de
l'hôpital dont Alex venait de s'évader, pour échapper à la
surveillance de la police postée à la porte de sa chambre... Ce
séjour à l'hôpital est le point d'orgue d'une succession
d'événements qui ont débuté par la visite d'Alex à Robert, son
grand-père, à sa maison de retraite. Une visite déstabilisante
pour le petit-fils : il commence par apprendre que le grand-père en
question est mort depuis un mois, et ensuite, on lui remet, en
échange, une boîte en carton, pour solde de tout souvenir. A
l'intérieur, Alex découvre une photo étonnante d'un Robert MacKay
souriant, une belle et mystérieuse blonde à lunettes noires à ses
côtés. En légende : "Visite de D. 13/05". Muni de ce
seul indice, Alex tente d'identifier la jeune femme, et petit à
petit, il va être pris dans une spirale infernale qui le conduira,
donc, à la voiture de ce John, un homme disposé à l'écouter et
le croire. Mais ce que ne sait pas Alex c'est qu'il est loin d'en
avoir fini avec cette histoire, et qu'en fait de point d'orgue, le
passage à l'hôpital et la rencontre avec John sont plutôt de
nouvelles portes qui s'ouvrent. Mais vers quoi ? Mystère...
Voici un album
vraiment déroutant, comme ma tentative de vous en restituer
l'ambiance peut vous laisser le supposer. A mi-chemin entre le
thriller teinté de surnaturel, et la quête intérieure, "San
Titulo" est une oeuvre qui ne se laisse à aucun moment enfermer
dans un genre, et qui appelle plus d'une lecture. Alex MacKay est
déboussolé par tout ce qu'il découvre au fur et à mesure de sa
quête, faite de découvertes qui se téléscopent avec des images
mentales inquiétantes et des souvenirs d'enfance parfois
terrifiants. Pris dans un tourbillon aux accents parfois kafkaiens,
le héros paumé de Cameron Stewart pourrait tout aussi bien arpenter
Mullholland Drive, tant la réalité qui est la sienne passe son
temps à se distordre. On le suit dans sa recherche de la vérité,
comme dans un long rêve, et Sin Titulo s'ouvre d'ailleurs par un
prologue en forme de songe récurrent. Et se termine par une case
noire... comme il avait commencé. Entre ces deux vignettes, 1278
autres, en bichromie sépia, alignées implacablement sur 160 pages,
imposent leur rythme lancinant, quasi-fascinant.
Vainqueur d'un
Eisner Award en 2010; (celui du Webcomic), Sin Titulo est une
bande dessinée américaine en marge de la production habituelle, ne
serait-ce que par sa forme, plus proche du comics-strip que du
comic-book habituel. D'abord publiée en ligne, elle parait en France chez Ankama sous le label Hostile Holster,
qui n'a jamais hésité à faire preuve d'audace et de curiosité .
Le choix de publier ce comics hors-norme en est une autre preuve et
il faut à nouveau saluer la richesse de ce label, que tout amateur
de noir se doit de connaître ou de découvrir.
Sin
Titulo
Scénario et dessins Cameron Stewart
Ankama, 2014 – 166
pages noir et couleur – Collection Hostile Holster –19,90 €
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