Ce blog est entièrement consacré au polar en cases. Essentiellement constitué de chroniques d'albums, vous y trouverez, de temps à autre, des brèves sur les festivals et des événements liés au genre ou des interviews d'auteurs.
Trois index sont là pour vous aider à retrouver les BD chroniquées dans ce blog : par genres, thèmes et éditeurs.
Vous pouvez aussi utiliser le moteur de recherche interne à ce blog.
Bonne balade dans le noir !

lundi 20 juillet 2015

[Jours de colère] - Men of wrath, de Aaron et Garney (Urban comics)

Observez bien cette couverture. Sur le vitrail, Jesus est là, (lui ou un de ses apôtres), calme et serein. En bon berger il veille sur ses agneaux : il en porte un, tandis que l'autre tend la tête vers lui, dans une posture d'adoration. La quiétude règne. Mais Jesus n'a pas l'air tout à fait dans son assiette. C'est qu'à ses pieds, sous ses yeux, une autre scène se déroule : deux autres créatures, nettement moins calmes et sereines s'affrontent. Deux hommes, dont l'un ambitionne clairement de faire bouffer à l'autre le canon du revolver qu'il tient virilement. Voire de lui exploser la tête en appuyant sur la détente.
Tout laisse à penser que cette scène se déroule dans une église. Et que l'homme au flingue se fout complètement du poids du regard de Dieu sur ce qu'il s'apprête à commettre. Et encore, Dieu ne sait pas tout : l'homme au flingue s'appelle Ira Rath. Et celui qu'il s'apprête à éliminer, c'est Ruben Rath. Son fils. Les histoires de famille sont lourdes et compliquées chez les Rath. Depuis longtemps. Mais avec Ira Rath, on atteint des sommets dans la noirceur. 
Voici un homme dont la colère ne semble pas vouloir s'éteindre, et, qui, il faut dire, porte un nom prédestiné, non ? Ira, c'est presque le Irae du Dies irae, et Rath, c'est encore plus net : voici le Wrath du titre. Ces Men of Wrath, le scénariste Jason Aaron les a imaginés à partir de lointains, authentiques et tragiques épisodes familiaux personnels, et ils ont mené son imagination vers un récit d'une fureur inouïe, comme rarement il est donné d'en lire. 
Mais si le contrat du père sur son fils est le pivot de l'histoire, ce n'est presque "rien" à côté de tous les épisodes qui jalonnent la vie d'Ira Rath : voici un homme dont la vie entière a été marquée par la violence, une violence quasi-génétique, à laquelle Ruben tente d'échapper. En vain ? C'est l'un des autres aspects intéressants de ce comics, qui pose la question de l'héritage familial : peut-on vraiment s'en affranchir ? Couper définitivement le cordon paternel ? Recommencer une vie à zéro ?
Il y a dans ce "Men of wrath" un peu du film de James Foley "Comme un chien enragé" (en vo pas st : "At close range", 1986) où le fils (Sean Penn) découvre petit à petit la pourriture qu'est son père (Christopher Walken). Sauf que là, Ruben Wrath sait déjà quel genre de salaud est son père. Et que le film de Foley, était tout de violence contenue, sous tension, là où "Men of wrath" ne nous épargne visuellement rien. Ou presque...
Avec "Southern bastards" (dont je vous parlais ici il y a peu) Jason Aaron explorait déjà le Sud profond des Etats-Unis, mais, comme il l'écrit dans la préface "Ira et Ruben Rath sont l'aboutissement d'un long cycle sanglant de violence dans le Sud [...]. Et ce qui a commencé par un mouton se terminera avec la mort de tous". Aaron s'est associé pour cette entreprise à Ron Garney : "Ce n'est pas la première fois que Ron Garney et moi nous tuons des gens ensemble". Non. Mais une hécatombe à ce point, ça doit être leur première. C'est tout simplement ahurissant. Et loin d'être simplement gratuit et spectaculaire.
Voilà. Regardez à nouveau cette couverture. Respirez un bon coup. Prêt ?
Tournez la page. 
Amen.

Men of wrath *****
Scénario Jason Aaron et dessin Ron Garney
Urban comics, 2015 - 160 pages couleurs - (Urban indies) - 15 €

dimanche 5 juillet 2015

[Insécurité et karaoké] - Zaï Zaï Zaï Zaï, de Fabcaro (6 pieds sous terre)

Bon. C'est le jour des courses, vous avez rempli votre caddie de choses les moins pourries possibles au supermarché du coin, et ça y est, c'est à votre tour de passer à la caisse. "37 € 50" dit la dame. Et aussi : "Vous avez la carte du magasin ?". Pas de quoi s'affoler, même si on n'a pas ladite carte.
Sauf que cette scène, c'est exactement celle que vit le héros de "Zaï zaï zaï zaï", et qu'à partir du moment où il annonce qu'il n'a pas sa carte... tout part en cacahuète : le voici obligé de fuir à toute jambe, poireau à la main, cet endroit maudit, où le directeur du magasin, appelé par sa caissière, l'a carrément menacé d'une roulade arrière... Dès lors, un engrenage infernal s'enclenche pour le client oublieux, qui devient du jour au lendemain, l'ennemi public numéro 1... La police commence son enquête, la caissière sous le choc tente de se remettre de l'aventure, le poireau, lâché par le fuyard, a été envoyé aux experts scientifiques, la presse débarque pour interroger le voisinage sur le climat d'insécurité qui vient de s'installer... Pendant ce temps, le criminel, dont on apprend assez vite qu'il est auteur de BD - circonstance aggravante - a gagné la Lozère, où on ne capte ni la télé, ni la radio... Va-t-il sortir vivant de cette gigantesque chasse à l'homme ?

Alors là, attention : voici LA bande dessinée de l'année ! Toutes catégories confondues. Fabcaro, auteur d'une pléthore d'albums, le plus souvent publiés par les princes de l'underground (6 pieds sous terre, La Cafetière, Même pas mal, Vide Cocagne...), mais aussi repreneur d'Achille Talon avec Serge Carrère, signe ici une histoire qui tient tout autant de la critique sociologique que du polar (après tout, il y a une traque d'un délinquant dans la nature), et qui fait mouche à chaque page : le système productiviste, la connerie humaine, l'industrie automobile française, la théorie du complot, la menace pédophile, le statut de l'artiste, le racisme ordinaire... tout y passe ! Planche par planche, Fabcaro démonte les mécanismes à l'oeuvre dans les têtes des autochtones de notre bonne vieille France, et à chaque fois, on se dit, hilare, "Ah ouais, la vache, bien vu !". Ou quelque chose du genre. Si l'hilarité nous guette à chaque case, ou presque, c'est parce que tout cela est traité avec un  humour absurde et kafkaïen. Si, ça existe.  Et en fil rouge, on suit la fuite de son alter ego, le dessinateur de BD fugitif, en se demandant où tout cela va nous mener. Ben, au coeur de la chanson française. Entre autres. Graphiquement, c'est en noir et vert douteux, et ça donne ça : 
 Foncez sur cet album, avant qu'il soit épuisé, d'ailleurs, ça se trouve, c'est déjà le cas : ce qui ne serait pas étonnant, car je vous l'ai dit, c'est la bande dessinée de l'année. VRAIMENT !


Zaï Zaï Zaï Zaï *****
Scénario et dessin Fabcaro
6 Pieds sous terre, 2015 – 72 pages bichromie - Collection Monotrème (mini) - 13 €


lundi 29 juin 2015

[Sweet home Alabama] – Southern bastards, par Aaron et Latour (Urban comics)

Earl Tubb est de retour à Craw County, une ville qu'il a fuie il y a plus de 40 ans. Pas pour longtemps se dit-il : s'il revient dans ce coin de l'Alabama, c'est uniquement pour vider la maison de son oncle Buhl. Et pas pour autre chose  : pas question pour Earl d'arpenter les rues, en souvenir du bon vieux temps, celui où son père était shérif de Craw County. Non. Car il tomberait forcément sur Euless Boss, entraîneur de l'équipe de foot du cru, et forcément, cela laisserait quelques traces, car entre ces deux hommes, cela n'a jamais été le grand amour. Même si à l'époque, Boss n'était pas encore le coach à poigne de fer qu'il est devenu, craint par toute la communauté et régnant en maître absolu de la cité... Mais il ne suffit pas à Earl Tubb de vouloir juste détourner son regard de choses qui heurtent ses convictions et son sens de la justice : témoin d'une scène insupportable à ses yeux dans le snack de la ville , il laisse parler son cœur, et ses poings. Et c'est bien entendu le début de très gros ennuis pour lui...

Les deux Jason, Aaron (scénariste, celui aussi de « Scalped ») et Latour (dessinateur) l'expliquent dans leur préface : ils ont voulu rendre hommage à leur manière à ce Sud des Etats-Unis qui les a vu naître, cet « endroit que tu peux à la fois aimer et haïr, qui te manque mais que tu crains » (Aaron) et où on peut croiser ces « connards dont on a fait une généralité de tous les gens du Sud. Ceux qu'on a peut-être peur d'être au fond » (Latour). Alors, ils y vont franco : bienvenue dans une ville sous l'emprise d'un fou furieux, psychopathe cynique que personne n'ose contredire. Sauf une personne, bien sûr, mais on n'est pas là pour rigoler, et les redresseurs de torts, dans la région, ils ne font pas longtemps de la résistance. Après un premier volume qui plante parfaitement le décor, et installe une atmosphère irrespirable jusqu'au bout, le second tome s'attarde sur la jeunesse du coach Euless Boss, passée à cracher sang et tripes sur le terrain de football, sans autre résultat que des coups de batte, de poings, de pieds... ou de revolver. Une jeunesse atroce, qui façonnera le monstre qui s'emparera du pouvoir à Craw County. 
On prend « Southern Bastards » comme un plaquage en pleine poitrine : cela coupe le souffle net, et quand on se relève, le deuxième service n'est pas très loin. Et on se demande bien qui osera s'élever contre ces salauds à l'état brut. La couleur rouge domine dans les pages de ces deux premiers volumes, y compris pour les nombreux flashbacks, qui sont le plus souvent des souvenirs au goût de sang... Bref, vous l'aurez compris : voici un des comics les plus âpres, les plus rugueux, les plus poisseux, les plus cruels, du moment.  Il manque juste un peu de femmes, dans l'affaire. Mais patience : la fille d'Earl Tubb est sur la route... 


Southern bastards ****
Scénario Jason Aaron et dessins Jason Latour – Urban Comics, 2015 – Collection Indies – 14 €
1 – Ici repose un homme – 112 pages couleur
2 – Sang et sueur – 112 pages couleur

mercredi 27 mai 2015

[ça fait plaisir] - Le Prix SNCF du Polar / BD 2015 à "Rouge Karma" (Sarbacane)



Soir de récompense ce mardi 26 mai à la Maison des Métallos (Paris 11) : l'heure de connaître les choix des lecteurs-voyageurs avait sonné. La lutte a semble-t-il été au couteau jusqu'au bout, et c'est finalement "Rouge Karma" d'Eddy Simon (scénario) et Pierre-Henry Gomont (dessin) qui décroche la timbale du très convoité Prix SNCF du Polar / BD. Un prix qui couronne une BD originale et entêtante (mais ça je vous l'avais déjà dit: tenez, ici) mais aussi le travail intelligent mené par les éditions Sarbacane, d'abord en littérature jeunesse, et depuis 2007dans le domaine de la bande dessinée. Bravo donc à Frédéric Lavabre (c'est lui qui cause, là, en dessous) et son équipe pour ce prix, le quatrième du genre dans sa catégorie. 
 

Pour les autres catégories, les 30 000 votants ont élus, le roman "Enfants de poussière" de Craig Johnson (chez Gallmeister) et le court-métrage "Carjack" de l'américain Jérémiah Jones.
Anaïs Malherbe et mister Gomont. Bien contents
Voilà vous savez tout. Rendez-vous à la rentrée pour le lancement du prix 2016 : la sélection sera sur Bédépolar, comme d'hab. Avant tout le monde ? Avant tout le monde. Ou presque.

dimanche 26 avril 2015

Delcourt garde son sang-froid et réédite "Le Monde si tranquille" de Davodeau

Apparue au début des années quatre-vingt-dix, la collection "Sang froid" des éditions Delcourt. fut certainement, au plus fort de sa production (1995-2005) une des plus intéressantes collections de  récits noirs et policiers du paysage éditorial. Etienne Davodeau y fit son entrée en 1998, avec "Le Réflexe de survie", une histoire déjà caractéristique de sa manière de raconter le quotidien ordinaire de gens ordinaires, dont la destinée peut vite basculer vers le drame dès qu'un événement inattendu survient. Les trois albums suivants "La Gloire d'Albert" (1999), "Anticyclone" (2000) et "Ceux qui t'aiment" (2002) allaient encore plus loin dans cette volonté de Davodeau d'ancrer ses intrigues au coeur d'une monde bien réel, et bien entendu, pas si aussi tranquille que l'annonce le titre de la série.


Qu'il s'agisse du portrait d'un fervent partisan de l'autodéfense sensible aux sirènes d'un parti extrémiste, (La Gloire d'Albert) d'une jeune femme de ménage sur le point de perdre son boulot si elle ne rentre pas dans le moule (Anticyclone) ou d'un footballeur victime de la médiatisation à outrance de son sport (Ceux qui t'aiment), force est de constater que Davodeau a toujours su gratter là où la société a de vilains boutons qui la démangent. Et près de quinze ans après, ce triptyque est plus que jamais d'actualité. Une bonne raison de le rééditer, sous une nouvelle maquette ( et exit Sang Froid, qui semble en train de vivre ses derniers jours) Les deux premiers volumes sont sortis début avril et le troisième parait en mai. Une excellente occasion de (re)lire ces albums des débuts de Davodeau et de faire le lien avec ses récits les plus récents, qui  relèvent eux directement pour certains du documentaire ou de l'enquête (comme "Les ignorants" chez Futuropolis, "Les Barbouzes de la République", sur le SAC, dans l'excellente Revue Dessinée) . Dans tous les cas, ils sont l'oeuvre d'un auteur devenu au fil du temps un de nos meilleurs observateurs graphiques de la France du XXIème siècle. Celle qui est si tranquille...

Un Monde si tranquille ****
Textes et dessins Etienne Davodeau - Delcourt, 2015

La Gloire d'Albert - 48 pages couleurs - 14,95 €
Anticyclone - 56 pages couleurs - 14,95 €
Ceux qui t'aiment - 56 pages couleurs - 14,95 €

mardi 21 avril 2015

[Détective privée newschool] - Maggy Garrisson, de Trondheim et Oiry (Dupuis)

    Alors, voici : Maggy Garrisson vit à Londres et vient tout juste de décrocher un poste de secrétaire auprès de Stephen Wright, Private investigator. 
 Détective privé, quoi. Elle se rend à ce nouveau job, moyennement convaincue d'être la bonne personne à la bonne place. Mais les temps sont durs et quand on a pas bossé depuis près de deux ans, on fait quelques efforts pour ne pas passer dans la catégorie des oubliés définitifs, et on met de côté ses rancoeurs contre la société. On essaye. Et on fait un sourire.
Mais voilà : le sourire se fige quand l'employeur est découvert par la nouvelle secrétaire, affalé sur son bureau, la tête sur le clavier de son ordi. Mort ? Non... Juste un lendemain de cuite difficile. Et au réveil, le patron est clair : "Y'a rien à faire pour l'instant et j'ai pas les moyens de vous payer à glandouiller sur internet avec mon ordinateur". Fais un sourire, Maggy...
Rien à faire, mais en deux temps trois mouvements Maggy résoud une première affaire, celle de la disparition de Rodrigo, le canari de la voisine, bouffé par le chat du troisième. Et le temps de la résoudre, Stephen Wright est tabassé chez lui et emmené à l'hôpital. Et là, une affaire d'un genre plus périlleux attend Maggy Garrisson, qui,  au bout de quelques rencontres plus ou moins louches, plus ou moins réconfortantes, va se retrouver, à la fin du tome 1, avec un semblant de petit ami et 30 000 livres à partager avec lui.

Et dans le tome 2, toutes les questions restées en suspens vont être réglées ou presque. Avec une autre enquête pour Maggy et Stephen Wright, autour d'un frère et d'une soeur s'accusant mutuellement du vol des bijoux de leur défunte mère. La nouvelle vie de Maggy va-t-elle lui permettre de retrouver le sourire, pour de vrai ?
                                               ***
Dans la famille enquêteurs, je voudrais la fille : "Vilaine, fauchée et détective privée". Voilà sur quelles bases Lewis Trondheim et Stéphane Oiry ont lancé leur anti-héroïne, Magy Garrisson, qui se pose ici en digne héritière de A.Y. Jalisco, "Pauvre, laide, et détective privée", dans la série "Chicanos" de Trillo et Risso.

En inventant un personnage de ce calibre, le duo va à contre-courant de tous les archétypes du genre. Voici une enquêtrice qui fume, boit, jure, n'a pas franchement la ligne, et semble faire la gueule en permanence. On est loin des filles canons qui mettent le mystère KO entre deux déshabillages et trois coups de lattes en talons aiguilles. Déjà, rien que ça, cela fait énormément de bien au lecteur, et à la lectrice, qui commençaient à se demander, si cela existait encore, du polar de la vraie vie. Bon, d'accord, vous allez me dire, oui, mais le privé fauché, voilà bien un autre cliché du genre.
Et c'est là que Trondheim et Oiry sont encore plus forts : pour donner de l'épaisseur à ce personnage archétypal, et ne pas en rester à la simple esquisse, ils distillent des scènes du quotidien d'une Maggy sans un rond, tout au long de leur intrigue. Exemple, cette scène dans une supérette où Maggy voit un encore plus pauvre qu'elle voler des biscuits... bas de gamme, ce qui lui inspire la pensée suivante :  "Tant qu'à se faire gauler, autant plus cher et plus qualitatif. Aucune ambition... Même dans la loose"... Une réflexion qui rappelle celle de Michel Blanc dans Marche à l'ombre et son "Piquer des trucs chers, c'est du vol".
Voilà pour l'atmosphère générale de ces deux enquêtes : un quotidien réaliste, crédible, où une jeune femme presque transparente physiquement - au premier abord, du moins - s'échine à résoudre une enquête qui va l'entraîner sur des pentes de plus en plus glissantes. Et tout cela  dans un Londres plus vrai que nature, même si Stéphane Oiry explique  que toute la ville est reconstruite et qu'un promeneur Londonien ne retrouverait pas les lieux tels qu'ils les a dessinés (Cf interview dans Spirou 4009).

"L'homme qui est entré dans mon lit" reprend là où le tome 1 s'était arrêté; et tourne à la fois autour de l'homme en question, Alex Barry ( tiens, serait-ce un hommage à Alan Ford ? Ou plutôt à John Barry ?) et d'une autre enquête où Maggy va retrouver son ex-patron, Stephen Wright. Oui, parce qu'évidemment elle s'est faite virée de son nouveau job avant le mot "fin" du tome 1
Et ce deuxième tome est lui aussi un vrai bonheur. Cela tient à la précision du scénario de Trondheim, à son sens du dialogue et à ses fameuses répliques qui tuent, et bien sûr au travail de Stéphane Oiry. Déjà, ce dernier utilise la technique dite "du gaufrier", pour sa mise en page, et franchement, c'est la meilleure pour éviter de tomber dans le spectaculaire et de faire glisser le récit noir au thriller démonstratif sans y prendre garde. Les auteurs expliquent d'ailleurs très bien ce choix : "... le gaufrier résout résout plein de problème de lisibilité et permet de densifier le récit" (Oiry) et "Une page en gaufrier permet de rester concentré sur ce qui se passe et au dessinateur d'éviter à chercher l'esbrouffe graphique" (Trondheim) (tous les deux dans Spirou n°4009)
Ensuite, son Londres - même réinventé - est réellement formidable : les pubs, on a vraiment envie de s'y arrêter pour aller partager une pinte avec ces clients, qui,  loin de jouer le rôles des figurants habituels,  sont bien des personnes authentiques, même si on ne les croise que quelques cases.
C'est cela en fait, la grande force de Maggy Garrison : on commence à lire, et on est tout de suite fasciné par la personnalité de la jeune femme, et on devient carrément accroc à son petit monde, on s'attache à elle et ses galères, on croise les doigts pour elle, on se dit, "non, elle ne va tout de même pas faire ça"... Et toutes sortes de choses du même acabit.
 Maggy Garrisson, c'est exactement comme ces séries TV polar dont on ne peut décrocher. Et c'est bon.

Maggy Garrisson*****
Scénario Lewis Trondheim et dessin Stéphane Oiry  - 46 pages couleurs
1 - Fais un sourire, Maggy - Dupuis, 2014
2 - L'Homme qui est entré dans mon lit - Dupuis, 2015

mercredi 25 mars 2015

[Saignant] - Clan, par Amazing Améziane (Le Lombard)

" Quand tu prends le pouvoir pour le donner au peuple, c'est une révolution. Quand tu prends le pouvoir pour de l'argent, c'est un coup d'état.
- Et nous qu'allons faire, boss ?
- Un coup d'état révolutionnaire, Akumyo".

Saburo Yoshitoshi est jeune, beau, et yakuza. Et pour fêter ses trente ans qui arrivent, il ne trouve rien de mieux que de déclarer la guerre à Jiro Kodama, le boss de tous les obayun (les parrains, quoi) de la région de Tokyo. Un risque calculé ? Oui, car depuis des mois, Saburo observe la bête à abattre et est prêt à porter un coup décisif d'entrée, en visant quatre des plus fidèles obligés de Kodama. Tout semble parfaitement huilé. Sauf qu'une des quatre cibles ne se laisse pas revolvériser la tête comme prévu. Sauf que Saburo ne parvient pas à mettre Jun, sa petite amie, à l'abri à temps. Et sauf que Kodama fait ressortir d'une geôle et de l'oubli, Shi, un aveugle étonnamment agile et meurtrier, qui va lui servir de bras armé. Cela fait beaucoup d'imprévus pour Saburo....

Des histoires de yakuzas, il y en a pas mal, mais surtout dans les mangas. Du côté de la bande dessinée "franco-belge", c'est déjà plus rare, une des dernières en date étant le "Spirou à Tokyo" de Morvan et Munera... et, évidemment dans un autre registre. Alors non seulement "Clan" d'Amazing Ameziane, est-il original par son sujet, mais il l'est encore plus par son traitement graphique, car il s'agit ni plus ni moins qu'un... comic-book ! Et, si je puis me permettre, un putain (ou p***, pour les adeptes du vocabulaire courtois) de comic-book ! Les influences-hommages d'Ameziane sont évidentes et revendiquées, dans ces silhouettes à la Frank Miller, ces rictus à la Eduardo Risso, ou encore dans cette façon d'enchainer les bulles de dialogues, comme dans les Bendis des débuts (Torso, Jinx). Et surtout, il y a cette mise en pages, ce découpage, ces cadrages hyper dynamiques et inventifs, rappelant les meilleurs "crime comics" de ces dernières années. Sans parler d'un sens des dialogues qui fait mouche à tous les coups , genre : 
"Hey, regardez ce qu'on a là... Je te jure, ce mec, c'est comme si Kung Fu Panda et Daredevil avaient eu un gosse." 
Une réplique qui synthétise d'ailleurs à elle seule la genèse fictionelle du "héros" de Clan, Shi : ce personnage rappelle à la fois Po, le maître du petit scarabée Kwai Chang Caine, et le justicier de la nuit urbaine et américaine, Matt Murdock.



Clan est un projet qui a longuement mûri dans la tête de son auteur, et comme il l'explique très bien dans une riche postface, ce volume est le premier de trois "one shot" d'une saga familiale étalée sur un siècle. Et comme dans "Star Wars", c'est pas l'épisode 1... et comme "La guerre des étoiles", c'est une belle claque. 
"... et soudain le terme comics n'est plus un mot sale dans le monde de la BD", écrit aussi l'auteur, qui qualifie aussi "Clan" de graphic novel. Et pas de roman graphique, hein ? Faudrait voir à pas confondre. 
Alors... C'est un oiseau ? C'est un avion ? Non ! C'est Améziane. Et c'est franchement Amazing ! 

 
Clan ****
Scénario et dessin Amazing Améziane
Le Lombard, 2015 - 95 pages couleurs - 17,95 €

dimanche 22 février 2015

[Vie à la campagne] - Gros Bois, de Jérémy Le Corvaisier (Les Enfants Rouges)

- Moi, je préfèrerais me mettre direct une balle dans la tête. Blam !
- Nan. J'aurais trop peur de me louper. Je me jetterais plutôt sous le train. C'est plus sûr.
- Ouais. Mais il n'y a pas de train dans la région...
- Y'a que dalle dans cette région de toute façon...

A Gros Bois, la jeunesse locale s'emmerde ferme. Et ce n'est pas l'événement annuel, la fête du jambon, qui va faire tourner les têtes. La bourgade, vue de loin, ressemble à n'importe quelle autre, avec son épicier, sa coiffeuse, son maire, ses cultivateurs, ses policiers municipaux... Des gens normaux. Ou presque. L'épicier est un grand sensible, adepte du tour à bois à ses heures perdues. La coiffeuse - et ses employées - se font shampouineuses topless dans un club privé. Le maire aime à déféquer en plein champ. Les cultivateurs sont des skinheads férus de mode, et spécialisés dans le pavot. Quant au chef de la police,il préfère s'occuper de ses petits trafics que d'enquêter sur ces morts suspectes qui viennent lui gâcher la vie. Car il se passe tout de même quelque chose dans la contrée : un jeune homme vient d'être retrouvé au fond d'un ravin de la forêt de Gros Bois. Le troisième depuis le début de l'année. De quoi perturber la faune locale ? Faut voir...

Etrange ambiance que celle qui règne dans cet album de Jérémy Le Corvaisier, et une fois le livre fermé, on se dit presque qu'on vient de suivre un épisode inédit de Twin Peaks. La mise en page, et certains choix de cadrage de l'auteur sont aussi audacieux qu'ont pu l'être ceux de Lynch dans sa série. Mais une autre référence frappe aussi, d'entrée, c'est la couverture, hommage direct aux "crimes comics" de l'âge d'or, où les fictions se voulaient tirées de faits réels, d'histoires vraies. 
Et, à y regarder de près, Gros Bois c'est cela : le récit d'un fait divers. Mais avec une narration complètement originale, puisque ce qui pourrait servir de fil conducteur à une enquête traditionnelle - et donc d'accroche au lecteur - les trois morts du ravin évoqués dès le début, sont rapidement, et presque complètement, évacués. C'est donc autrement que par la résolution d'un mystère que le récit captive : en fait, le récit est mystérieux en lui-même, par ses conversations bizarroïdes (ma préférée allant à cette discussion entre les trois virils cueilleurs de fleurs hallucinogène sur les avantages et inconvénients des vêtements en lin), par ses tranches de vie villageoises aux portes de la folie. Et bien entendu, par le dessin de Jérémy Le Corvaisier, précis, inventif, et suggestif, comme par exemple, cette vue aérienne et schématisée du village : est-ce un plan géographique ou une vue microscopique de cellules et vaisseaux sanguins ? Ajoutez à tout cela une étonnante palette de couleurs (ah, ces chevelures pétaradantes !) qui ne tombe jamais dans le mauvais goût mais s'en approche parfois avec délice. Bref, un album de la même famille que le "Oceania boulevard" de Mario Galli : tout en inquiétude. Mais avec sérénité.


Gros bois ***
Scénario et dessin Jérémy Le Corvaisier
Les Enfants Rouges, 2014 - 100 pages couleur - 20,50 €

dimanche 15 février 2015

[Rétro-futurisme] - Adam Clarks, d'Antonio Lapone (Treize Etrange)

Nous sommes, voyons, dans un futur proche, où l'empire soviétique existe toujours, et la guerre froide n'a jamais été aussi brûlante. Le sémillant Adam Clarks est une des personnalités en vue de cette époque, où il exerce avec brio ses talents de chroniqueur mondain dans les colonnes de "Puppet", le magazine féminin le plus prisé du marché. Mais Clark est aussi un être secret, qui cache d'autres talents, derrière son look de séducteur chevaleresque au costard impeccable et à la mine affable. Le voici justement à une réception donnée dans un hôtel de luxe de Majestic City, où tout le gratin de la ville se presse pour admirer le "Long Star", un des plus gros rubis du monde, dont la vente imminente est destinée à combler le déficit d'un grand musée... Adam Clarks va troquer le costume du journaliste pour celui du monte-en-l'air et tenter de s'emparer du fabuleux bijou. Un jeu d'enfant, à moins que l'ingénue et sexy Irina ne soit pas que la ravissante idiote destinée à lui servir d'alibi...

Surprenante aventure que celle d'Adam Clarks : c'est un peu James Bond meets Arsène Lupin, sur fond d'uchronie. Un cocktail risqué, mais réussi, par les deux auteurs, Régis Hautière, et Antonio Lapone. Le scénario, malin, du premier, mêle deux types de récits bien connus des amateurs du genre : le casse, minutieusement organisé et exécuté, et l'espionnage, avec tous ses codes, personnages attendus et coup-fourrés. Sur cette base, Lapone dessine décors et personnages comme il l'a toujours fait, avec ce trait caractéristique de la ligne claire, et même plus précisément celui du "style atome" (une "école" où on retrouve Swarte, Chaland, Clerc, Ever Meulen, Daniel Torrès...). Une appartenance assumée, puisqu'en clin d'oeil, Lapone glisse une (fausse) pub pour les "Atom style cigarettes "dès le début de l'album. L'élégance dans la torgnole et la classe dans l'adversité : voilà ce qui se dégage de cet "Adam Clarks", aux couleurs et ambiances nocturnes superbes. Le grand format, lui aussi inhabituel de cette bande dessinée achève d'en faire plus qu'une curiosité, mais une vraie et bonne surprise



Adam Clarks ***
Scénario Régis Hautière et dessin Antonio Lapone
Treize Etrange, 2014 - 64 pages couleur - 22 €
 

lundi 2 février 2015

[Bingo !] - Le Fauve Polar SNCF 2015 à "Petites Coupures à Shioguni " de Florent Chavouet (Picquier)

 
 Dans la catégorie, "Je ne m'y attendais pas", Florent Chavouet a décroché le gros lot : le quatrième Fauve Polar SNCF, c'est pour lui... et c'est mérité ! "Petites coupures à Shioguni" son histoire de yakuzas qui viennent réclamer l'argent emprunté par un jeune homme pour monter un restaurant... et qui vont un peu se faire trimballer, comme le lecteur, vaut largement le détour. Par Shioguni, donc, ville fictive japonaise, mais trois étoiles au Michelin, sans problème ! Mais c'est d'emblée par son aspect visuel que cet album attire : une construction narrative par indices, distillés sous différentes formes graphiques (collages, carnet de notes, plan, planches sans les traditionnelles cases et bulles...).
 Une belle récompense qui devrait donner un coup de fouet à la carrière d'un jeune auteur, jusque-là auteur de deux carnets de voyage, toujours chez Picquier. Ma chronique de cet album à venir très vite ! En attendant : Champagne !

Petites coupures à Shioguni
Textes et dessins Florent Chavouet 
Philippe Picquier, 2014 -  184 pages couleurs - 21,50 €

dimanche 11 janvier 2015

Angoulême est Charlie

D'habitude le dimanche, je profite d'un peu de temps libre pour vous livrer une chronique d'une BD polar que j'ai bien aimée. J'en lis beaucoup, il y a toujours de quoi faire, et je suis toujours "en retard".
Mais aujourd'hui, rien à faire : toujours pas le coeur à la chronique, pas la peine de vous dire pourquoi. Alors je prends tout de même le temps de vous mettre le lien vers cet article sur le site du festival d'Angoulême : "le dessin et ses dessinateurs sont éternels".
Avec ce chouette dessin de Derf Backderf sur l'album que vous pourrez trouver en ligne.
Un parmi tant d'autres...
A bientôt !

dimanche 4 janvier 2015

[Palmarès 100 % subjectif] - Mes 14 pour 2014 : la sélection de la crème des BD polar de l'année

Voici la traditionnelle (quoi, cinq ans, c'est pas assez, pour une tradition ?) sélection de Bédépolar, autrement dit mes albums préférés de l'année écoulée. Donc 2014. Avec une ou deux phrases définitives, pour vous convaincre, définitivement, donc, d'aller lire ces biens beaux albums, plus ou moins noirs, plus ou moins policiers, plus ou moins comics, plus ou moins franco-belges, plus ou moins spirituels... etc.
Bref. Et toujours par ordre alphabétique, pour par faire jaser.
Ah oui, au fait : bonne année.

 
Before Watchmen : 8 tomes (ouais, tous) par Azzarello, Cooke, Kubert, Lee, Wein, etc... Chez Urban comics. On pouvait se dire que, bon, bof, à quoi ça sert de savoir ce qui s'est passé avant les Watchmen, hein ? On avait tort, c'est passionnant et sacrément bien foutu.


 
Bonbons atomiques par Anthony Pastor, toujours chez Actes Sud/L'an 02, comme toute son oeuvre. Ou le retour de Sally Salinger, détective privée malgré elle, dans une nouvelle enquête familialo-policière, encore meilleure que "Castilla drive". C'est dire.


 
Crime SuspenStories 2 : Collectif des années 50, réédité par Akileos. Des histoires criminelles comme on n'en fait plus, dans un noir et blanc ultra-réaliste, clairement estampillés "thriller", par des maîtres du genre. Indispensable à tout amateur de frisson.


 

Fatale, par Max Cabanes et Doug Headline, d'après Manchette, chez Dupuis. Alors là, c'est pas compliqué : la meilleure adaptation de l'année, faut pas chercher plus loin. Pour la littérature noire française, je veux dire.


 


Fun island (Parker 4) par Darwin Cooke d'après Richard Stark, chez Dargaud. Alors là, c'est pas compliqué : la meilleure adaptation de l'année, faut pas chercher plus loin. Pour la littérature noire américaine, je veux dire.


Le linge sale, par Pascal Rabaté (qu'a écrit les textes) et Sébastien Gnaedig (qui les a mis en cases), chez Vent d'Ouest. Se venger de sa femme parce qu'elle vous a laissé croupir en prison 20 ans, quoi de plus naturel ? Liquider aussi toute la nouvelle famille qu'elle s'est construite pendant tout ce temps ? Encore mieux ! Une histoire bien méchante, avec des vrais morceaux de Rabaté dans les dialogues. Epatant.


Love in vain, par Jean-Michel Dupont et Mezzo, chez Glénat. Alors là, on pourra toujours me chercher des noises en me disant que cet album, c'est pas du polar. Je dis : une destinée aussi sombre que celle de Robert Johnson, la figure mythique du blues, sublimement mise en images par Mezzo, cela doit figurer dans la sélection de cette année.

 

Maggy Garrisson 1 - Fais un sourire, Maggy par Lewis Trondheim (au scénario) et Stéphane Oiry (pas au scénario), chez Dupuis. Enfin une enquêtrice qui ne subjugue pas ses lecteurs par ses formes généreuses et son charme pigeonnant, mais par son caractère de cochon. En plus elle boit comme un trou et fume comme un pompier. C'est Spirou qui prépublie ses aventures : bel exemple pour la jeunesse, tiens ! Une nouvelle série qui sort du lot.  

 


Maori 1 et 2 par Caryl Férey et Giuseppe Camuncoli, chez Ankama. Première incursion de l'auteur de "Zulu" dans l'univers de ses romans "Haka" et "Utu". Première réussie.

 

Moi, assassin par Antonio Altarriba et Keko, chez Denoël graphics. Alors là, je ne sais pas pourquoi, mais je sens que cet album-là va collectionner les prix dans les mois à venir. Il a déjà eu le "Grand Prix de la Critique ACBD", en décembre. Normal. C'est un chef d'oeuvre.


 
The Nightly news par Jonathan Hickman chez Urban Comics. Si vous croyez encore que les comics, c'est rien que des mecs et des nanas - euh, surtout des mecs, en fait - en collants bariolés, c'est que vous en êtes restés à Strange. Vous allez tomber de votre chaise en attaquant cet-album là. Préparez tout de même le tube d'aspirine, au cas où vous ne soyez pas trop habitué : la crampe au cerveau peut surgir sans crier gare.



Oceania Boulevard par Marco Galli, chez Ici Même. Un album bizarre en tout : dessin, mise en page, histoire, dialogues. Ah ces Italiens, tout de même, ils sont forts. Une des BD les plus originales de l'année.




Soda 13 - Résurrection par Dan Vernlinden et Philippe Tome, chez Dupuis. Alleluia ! Mon flic préféré est sorti des ténèbres où il croupissait depuis presque 10 ans. Retour dans un New-York et des Etats-Unis encore marqués par le 11 septembre, et changement - réussi - de dessinateur : une nouvelle direction qui promet pour le pasteur-flic.  

 


Le Théorème de Karinthy par Jörg Ulbert et Jörg Mailliet, chez Des Ronds dans l'O. Et un doigt d'histoire politique pour finir, avec ce voyage au pays des activistes Allemands des années 80, à Berlin. Instructif, précis, et passionnant.

samedi 13 décembre 2014

Angoulême 2015 : La Sélection du FAUVE POLAR SNCF


Dans une petite cinquantaine de jours, le successeur de "Ma révérence", lauréat de l'édition 2014, et signé Lupano et Rodguen sera connu. La tâche du jury de ce Fauve Polar, parrainé par SNCF depuis sa création en 2012 s'annonce particulièrement ardue, tant les cinq albums retenus sont de qualité.
Il s'agit de :

- Fatale, de Cabanes et Headline, d'après Manchette (Dupuis)
- Gotham Central , de Lark, Brubaker et Rucka (Urban Comics)
- Moi, assassin, de Keko et Altarriba (Denoël graphics)
- Petites coupures à Shioguni, de Chavouet (Picquier)
- Wet moon , de Kaneko (Delcourt)


Et en regardant tout ça de près : une des meilleures adaptations de l'année (Fatale), une des meilleures visions de Batman, par la crème des auteurs de crime comics (Gotham Central), un des meilleurs albums de l'année tout court, qui vient juste de remporter le Grand Prix de la critique ACBD 2015 (Moi, assassin), un album à la construction et au style qui me semblent remarquables (je dis me semblent parce que je ne l'ai pas encore lu et que ce que j'en ai vu incite à s'y plonger) (donc : Petites coupures à Shioguni) et un manga bien bizarre, par l'auteur du non moins étrange "Soil" (Wet moon).

Alors, rendez-vous fin janvier, je serai en direct d'Angoulême pour vous tout vous raconter, ou presque, sur ce futur Fauve Polar SNCF 2015.

samedi 29 novembre 2014

[Apparition des Surhommes] - Wonderball 1 - Le Chasseur (Pécau, Duval et Wilson)

San Francisco, août 1983. L'inspecteur Spadaccini a du pain sur la planche : 9 personnes exécutées en pleine rue, en moins de 10 secondes, par un tireur isolé... et pour le moins habile et rapide. L'endroit où était placé le tueur, un toit en terrasse offrant une vue imprenable et un angle de tir parfait, est vite identifié par l'inspecteur, qui découvre aussi sur place, la signature du sniper : 9 douilles disposées pour former un signe qu'il ne déchiffre pas tout de suite. Mais les douilles elles, parlent immédiatement à Spadacinni : le fusil qui a servi au massacre est un Carcano, le même que celui utilisé par Lee Harvey Oswald. S'il en est sûr, c'est parce qu'il était là, 20 ans plus tôt, en novembre 1963, à Dallas, et qu'il faisait partie du service de sécurité qui n'a pu empêcher l'assassinat de Kennedy. Commence alors pour "le flic le plus désaxé de la ville" - dixit le San Francisco Tribune - une enquête qui va le ramener vers un passé fait de projets scientifiques top secrets, dont les ratés éclatent au grand jour et risquent bien d'éclabousser beaucoup de monde s'ils sont dévoilés...
Pécau et Duval ont placé cette nouvelle série policière sous l'égide d'Antonio Gramsci, dont la citation "Un monde se meurt, un nouveau monde tarde à apparaître... Dans ce clair-obscur apparaissent les monstres". Une citation que Colin Wilson illustre dès la première planche, où est également donnée la clé du surnom de Spadacinni : Wonderball (en fait, l'équivalent américain des Kinder Surprise, avec leur jouet à l'intérieur). Bon, ce démarrage n'annonce, bien sûr, par un roman graphique sur la vie du fondateur du Parti Communiste italien que fut Gramsci, mais bien un polar qui joue intelligemment avec un épisode de l'Histoire universelle, l'assassinat de Kennedy, bien présent dans la mémoire collective. Pécau et Duval, en fans du Dirty Harry d'Eastwood, ou du Bullit campé par McQueen, ont choisi d'envoyer au feu un inspecteur du même acabit, un peu tête brûlée, toujours à la marge de la légalité, et ont introduit un élément cher aux adeptes de la théorie du complot : un secret pour lequel les grands moyens sont mis en oeuvre pour qu'il le demeure. Le tout est donc dessiné par Colin Wilson, parfait pour ce genre d'histoire, en tous cas l'homme de la situation pour restituer les ambiances d'époque. Cela donne un premier tome réussi, avec un final en cliffhanger, of course...

Wonderball - 1 : Le Chasseur ***
Scénario Fred Duval et Jean-Pierre Pécau - Dessin Colin Wlison
Delcourt, 2014 – 56 pages couleur – (Série B)
14,50 €