Qui est vraiment la secrète et silencieuse Léna ? Son long voyage, elle le commence à Berlin, le poursuit à Budapest, puis à Izmir, et le termine à Alep. A chaque fois elle rencontre des inconnus à qui elle remet des petits présents sans importance, mais que tous semblent attendre avec une impatience à peine dissimulée. Léna ne s’attarde jamais vraiment longtemps auprès de ces hommes et femmes qui la traitent volontiers de « petite bourgeoise » et lui rappellent sans ménagement qu’elle n’est pas des leurs. Mais peu lui importe : elle aligne les kilomètres, et remet ses objets, sans se poser de questions, ou alors celle-ci :
« Pourquoi ai-je accepté de faire cela ? Je ne suis plus certaine de le savoir ». Mais elle ira jusqu’au bout, rouage essentiel d’un complot dont elle n’imagine pas l’ampleur…
« Pourquoi ai-je accepté de faire cela ? Je ne suis plus certaine de le savoir ». Mais elle ira jusqu’au bout, rouage essentiel d’un complot dont elle n’imagine pas l’ampleur…
Et c’est justement la question de cet album : jusqu’où peut-on aller pour effacer, ou atténuer, une douleur intense ? Ce « long voyage » est aussi (surtout ?), intérieur, et c’est toute la force de Christin et de Juillard d’avoir rendu palpable la résignation de leur héroïne, et tout le poids d’un passé déchirant dont on saisit, d’abord par bribes, toute l’importance pour elle. Et là où le scénario subtil de Christin lève un pan du voile sur les mécanismes à l’œuvre dans le terrorisme international, Juillard, par son seul dessin, magnifique, réussit à donner une dimension humaine à Léna, à faire d’elle autre chose qu’un simple pion dans une partie qui lui échappe. « Une histoire qui mêle l’intimisme cher à André Juillard et le goût pour la fresque géopolitique de Pierre Christin » conclut la quatrième de couverture de cet album : c’est exactement cela, et cette première alliance entre deux grands noms est une véritable réussite.
Le Long voyage de Léna
Scénario Pierre Christin et dessin André Juillard
Dargaud, 2006 – 56 p. coul. – Collection Long courrier – 13,50 €
[Chronique parue dans l'Ours Polar n°40 - Décembre 2006]
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