Dick Hérisson, le détective de l’étrange… ou le cousin d’outre-Manche, of course, du «Sherlock Holmes américain», Harry Dickson. Lorsqu’il crée son personnage en 1982, Savard pousse le mimétisme avec celui de Jean Ray assez loin : quasi-homophonie patronymique, héros plutôt calme et réfléchi secondé par un jeune homme fougueux et décidé (Tom Wils d’un côté, Jêrôme Doutendieu de l’autre) et énigmes à résoudre entraînant les enquêteurs aux portes du fantastique. Mais plutôt que d’errer dans le fog londonien, c’est bien les routes de la Provence et du Sud de la France que Dick et Jérôme sillonneront au gré de l’imagination débordante de leur auteur. Et Savard en a à revendre, comme le prouvent les cinq histoires qui constituent le premier volume de cette intégrale. Au fil du temps, de 1929 à 1933, le détective et son ami journaliste rencontreront un taureau aux allures de chien des Baskerville (L’Ombre du toréro), des victimes de Van Gogh (Les Voleurs d’oreilles), une diva cadavérique (L’Opéra maudit), un étrange admirateur de Sade (Le Vampire de la Coste) et un sarcophage qui sème mort et terreur sur son passage (La Conspiration des poissonniers). Toutes assez prenantes et inquiétantes, ces histoires souffrent un peu, au début, d’un certain décalage qu’elles peuvent avoir avec le trait assez « ligne claire » de Savard. Mais au fil des albums, une réelle atmosphère d’angoisse parvient à s’installer, tout particulièrement dans La Conspiration des poissonniers, certainement un des meilleurs épisodes de Dick Hérisson.
Après ce premier volume regroupant les cinq premières aventures du « détective de l'étrange », Dargaud poursuit la réédition des enquêtes du duo Hérisson / Doutendieu, les deux pourfendeurs de mystère les plus célèbres du côté d'Arles... et de la Bretagne, où Savard a situé plusieurs des histoires regroupées dans ce second volume. C'est en allant et venant entre ces deux régions que Dick Hérisson va confondre des criminels de plus en plus imaginatifs et cruels, qui agissent le plus souvent par vengeance ou cupidité et qui tentent de dissimuler leurs atroces forfaits derrière des malédictions et des légendes. L'imagination de Savard semble sans limite, et s'il emprunte parfois à l'imaginaire collectif (comment, par exemple, ne pas penser au film « Freaks » dans La Maison du pendu ), c'est toujours pour rendre hommage à un genre, le fantastique, dont il habille toutes ses intrigues policières avec un savoir-faire certain. Les quatre premiers albums constituant ce volume (Frères de cendres, Le Tombeau d'Absalom La Maison du pendu et dans une moindre mesure Le 7ème cri) sont des illustrations parfaites de ce talent à créer des ambiances. Le cinquième est dans la droite ligne de ces quatre-là, mais force est de constater que le plaisir de lecture est gaché par un découpage parfois curieux, et surtout par une mise en couleurs ratée, certaines cases étant à la limite de la lisibilité... Que cet écueil ne vous empêche tout de même pas de vous replonger dans une des séries majeures de sa catégorie, en attendant que Savard donne une suite à la onzième aventure de son héros, non reprise dans cette intégrale « L'araignée pourpre ». Cette année peut-être ?
Dick Hérisson – Edition intégrale en deux volumes
Scénario et dessin Didier Savard
Dargaud, 2007. – 252p. et 262 p. coul. – 34 € chaque
[Chroniques parues dans l'Ours Polar n°40 - Décembre 2006 et n°42 - Juin 2007]
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