Albert, le gardien de nuit aurait-il des hallucinations ? Voici qu’un soir il voit entrer dans son hôtel une femme superbe au regard de braise. Il la reconnaît aussitôt : c’est la fille de l’affiche, là, de l’autre côté de la rue, éclairée magnifiquement par l’unique réverbère du trottoir… Subjugué par sa beauté, il se laisse séduire par son discours et ses promesses de vie rêvée vénézuélienne, loin de la grisaille de son quotidien. Pour ce nirvana avec elle, pas grand-chose à faire, il n’a qu’à liquider cet autre client qu’elle sait plein aux as et s’emparer de la valise pleine de billets qui leur tend les bras… Albert ne peut résister à l’appel de la belle et le voici vite à Caracas… en rêve. Et le réveil est douloureux : il y a bien un cadavre dans son hôtel, mais il manque une belle fille et une valise.
Voilà ce que c’est quand on doit travailler de nuit au « Mirage hôtel » ! On perd un peu les pédales, et la nuit, les démons arrivent au triple galop. Matz a imaginé pour Pourquié cinq tranches de vie nocturnes peuplées d’un client aveugle, d’une mythomane, d’un blessé, d’un peintre à moitié fou et d’autres personnages tout aussi réjouissants, et au milieu de tout ce beau monde, Albert, jeune propriétaire-veilleur de nuit. On sent bien une certaine nostalgie, le souvenir d’un Paris un peu canaille, manouche, disparu, avec ces filles à robes à fleurs, ces loulous à fines moustaches et chapeaux mous… Une ambiance de polar à l’ancienne, un peu, auquel Pourquié rend un hommage émouvant et sensible. Cette publication en album des toutes premières planches d’un de nos grands dessinateurs est une excellente initiative de Six Pieds sous terre, qui offre en prime deux pages autobiographiques de Pourquié resituant avec pudeur et humour l’importance de cette bande dessinée initialement – et partiellement – parue dans (Asuivre). Un bel album.
Mirage Hôtel
Scénario Matz et dessin Jeff Pourquié
Six Pieds sous Terre, 2006 – 80 p. coul. - Collection Monotrème
[Chronique parue dans l'Ours Polar n°39 - Octobre 2006]
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