Inutile de tourner autour du pot : David Lapham est un très grand du roman noir graphique et cette traduction de son Murder me dead, série initialement parue aux Etats-Unis en 2001 chez El Capitan, va enfin permettre à un public plus large de découvrir tout le talent d’un auteur un peu dans l’ombre des Miller et autre Bendis. La noirceur de Lapham n’a pourtant rien à envier à celle de ses confrères, elle est même plus insidieuse, moins artificielle aussi, parce qu’impliquant des personnages aux comportements que nous pourrions nous aussi avoir face à l’adversité. Le scénario est assez classique : de retour chez lui, Steven trouve sa femme pendue au ventilateur. Très vite on apprend que les relations du couple étaient loin d’être au beau fixe, et on ne s’étonne guère de le voir se consoler de ce décès – qui le met à l’abri du besoin car sa femme est issue d’une famille richissime – dans les bras d’une ancienne petite amie de lycée, Tara, retrouvée au bon moment. A partir de là, tout s’enchaîne en une spirale infernale pour Steven, car Tara lui cache une partie de son passé, qui ne manque pas de ressurgir rapidement, et qui ne manquera pas de le conduire derrière les barreaux s’il ne prend garde à cet amour fou tombé du ciel. Et c’est à ce point du récit que le lecteur retient son souffle : jusqu’à quel point peut-on faire des choses par amour ? Jusqu’où vont se terrer duplicité, manipulations et mensonges ? David Lapham amorce la réponse dans son introduction : « Au final, chacun ou chacune suivra sa propre nature jusqu’à la conclusion inévitable. Personne ne change de peau. Personne ne se tire d’affaire ». Et graphiquement, il transpose ces mots en diversifiant cadrage et découpage, entraînant ainsi un dynamisme à l’ensemble, particulièrement réussi dans les scènes d’action pure, assez saisissantes. Ne manquez surtout pas cet album, d’un auteur encore trop méconnu chez nous, lauréat en 1996 d’un « Will Eisner award » et qui mériterait qu’un éditeur se penche véritablement sur son autre chef d’œuvre, au long cours celui ci : Stray Bullets.
Tue-moi à en crever
Scénario et dessin David Lapham Delcourt, 2006 – 240 p. n & b – Collection Contrebande – 19,90 €
[Chronique parue dans l'Ours Polar 37/38 - Juillet 2006]
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