Boris Lentz, jeune patron des éditions “Point de fuite”, et sa femme Alice ont organisé chez eux un cocktail pour la sortie du deuxième tome des Ames Rouges, best-seller du moment, un thriller de Magda Meckenheim. L'arrivée des invités est exotique au possible : il n'est possible d'atteindre la villa ultra-moderne du couple, située sur une île, qu'à bord d'une barque. Il y a bien entendu un tunnel, mais celui-ci est privé, et n'était pas ouvert pour la soirée. Le lendemain matin, un inspecteur, Fédor Fix, débarque pour apprendre au couple la possible proximité d'un tueur en série dont l'existence n'a à ce jour pas été révélée aux médias. Le serial killer, surnommé Boone, prend toujours le soin de prévenir la police suite à ses meurtres, et les prévient même par e-mail pour le prochain. Ses mots sont énigmatiques mais laissent un os à ronger à ses chasseurs : “Toutes mes victimes ont fini dans des eaux douces ou mortes. La prochaine subira le même sort, près du Gard, et ce sera la dernière”. Et l'étrange inspecteur Fix pense qu'Alice a le profil type pour endosser le costume de l'ultime cadavre. Sans oublier la somptueuse villa sur l'eau, lieu idéal pour le meurtrier pour finir en beauté...
Voici un des plus belles réussites de l'année, tous genres confondus. Frédéric Bézian, auteur assez rare, a placé cet album sous le signe de Jacques Tati “au moins pour Playtime” comme le précise une discrète dédicace. Et il est vrai que, pour le décor, la somptueuse demeure du couple, toute en lignes épurées, assemblage parfois menaçant, selon les angles, de blocs aux arrêtes tranchantes, n'aurait pas juré dans l'univers un peu froid du chef d'oeuvre de Tati. Au delà de cet aspect, Bézian avoue avoir suivi l'avis du cinéaste selon lequel “trop de couleur nuit au spectateur”. Résultat, l'album fonctionne beaucoup sur le jeu de bichromies soigneusement étudiées selon le rythme de l'action, les moments de la journée, ou l'état d'esprit des personnages. Mais l'utilisation des couleurs n'est pas le seul aspect ludique à ce “Garde-fous” : Bézian, usant du cadrage panoramique avec discernement, joue aussi de l'opposition ordre impeccable de la villa / désordre de la forêt toute proche. Aux murs, et mobilier, rectilignes répondent les troncs impurs de la nature. Mais ces notions d'ordre et de désordre semblent alors s'inverser dès qu'entrent en scène les personnages : le chaos serait plutôt à l'intérieur de ceux qui restent entre les murs de béton. Sans oublier qu'amenés à jouer leur partition, les protagonistes de cette histoire le font le plus souvent chacun en solo, laissant une part d'interprétation au lecteur qui assiste, ébahi et décontenancé, au spectacle. Il y a plus d'une façon de d'entrer dans cette oeuvre extrêmement riche et fascinante, au scénario subtil et au dessin hyper inventif. Et une chose est certaine avec ces Garde-fous : une fois la dernière page tournée, une seule envie vous taraude, c'est celle d'y replonger.
Voici un des plus belles réussites de l'année, tous genres confondus. Frédéric Bézian, auteur assez rare, a placé cet album sous le signe de Jacques Tati “au moins pour Playtime” comme le précise une discrète dédicace. Et il est vrai que, pour le décor, la somptueuse demeure du couple, toute en lignes épurées, assemblage parfois menaçant, selon les angles, de blocs aux arrêtes tranchantes, n'aurait pas juré dans l'univers un peu froid du chef d'oeuvre de Tati. Au delà de cet aspect, Bézian avoue avoir suivi l'avis du cinéaste selon lequel “trop de couleur nuit au spectateur”. Résultat, l'album fonctionne beaucoup sur le jeu de bichromies soigneusement étudiées selon le rythme de l'action, les moments de la journée, ou l'état d'esprit des personnages. Mais l'utilisation des couleurs n'est pas le seul aspect ludique à ce “Garde-fous” : Bézian, usant du cadrage panoramique avec discernement, joue aussi de l'opposition ordre impeccable de la villa / désordre de la forêt toute proche. Aux murs, et mobilier, rectilignes répondent les troncs impurs de la nature. Mais ces notions d'ordre et de désordre semblent alors s'inverser dès qu'entrent en scène les personnages : le chaos serait plutôt à l'intérieur de ceux qui restent entre les murs de béton. Sans oublier qu'amenés à jouer leur partition, les protagonistes de cette histoire le font le plus souvent chacun en solo, laissant une part d'interprétation au lecteur qui assiste, ébahi et décontenancé, au spectacle. Il y a plus d'une façon de d'entrer dans cette oeuvre extrêmement riche et fascinante, au scénario subtil et au dessin hyper inventif. Et une chose est certaine avec ces Garde-fous : une fois la dernière page tournée, une seule envie vous taraude, c'est celle d'y replonger.
Les Garde-fous
Scénario et dessin Frédéric Bézian
Delcourt, 2007 – 80 pages couleurs – 16,50 €
[Chronique parue dans l'Ours Polar n°44, décembre 2007]
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