La « Harde » est une bande de paumés sans domicile fixe ni illusions, menée par la poigne de fer de Ralf, violent et cruel. Après avoir chassé manu militari d’une maison squattée des clandestins de l’Est, le petit groupe découvre qu’une vieille dame, Mélodie, avait élu domicile au grenier. Pressentant la précarité de sa situation, elle commence par les amadouer en leur faisant la cuisine, puis tente de les remettre dans le droit chemin à coups de sentences et proverbes bien sentis. Peine perdue, ces hommes ont la carapace bien trop endurcie pour y laisser passer la douceur de cette Mélodie… Jusqu’à ce qu’un des gars, Brice, ne se blesse gravement suite à un mauvais coup et, qu’immobilisé, il soit seul avec la vieille qu’il finit par apprécier. A tel point que lorsque Ralf projette de la supprimer, purement et simplement, contre espèces sonnantes et trébuchantes, les choses vont se compliquer au sein de la Harde…
Le sujet était délicat, le genre à chausse-trappes en forme de poncifs et clichés sur les SDF, ou la misère humaine. En évitant le manichéisme et les personnages caricaturaux, Marc Vlieger réussit à dépeindre une tranche de vie précaire, dans une grande ville anonyme mais qui nous semble si familière. Sa grand-mère symbolise l’humanité qu’il y a en tout un chacun, celle qui empêche de sombrer dans un désespoir sans fond. On pourrait lui trouver un côté naïf et gentillet, mais elle sait très bien dans quel monde elle vit, et elle cache elle-même ses fêlures les plus secrètes. A côté de ses personnages, Vlieger sait aussi donner corps au mal de nos sociétés : en quelques cases, par exemple, il montre toute la violence insidieuse de la ville. Un chantier meurtrier, mais aussi des magasins clinquants, très tentants, auxquels il est difficile de résister… Dans cette société contre laquelle personne n’ose s’élever, ou même élever la voix, celle de Mélodie tente de se faire entendre, dans un album qui a bien compris la différence entre sensiblerie et sensibilité.
Les Ames sombres
Scénario et dessin Marc Vlieger
Delcourt, 2007 - Collection Mirages - 112 p. coul. – 14,95 €
[Chronique parue dans l'Ours Polar n°41 - Mars 2007]
Merci de me l'avoir fait découvrir Frd. J'ai beaucoup aimé..
RépondreSupprimer