Des vies insignifiantes, il y en a plus d’une en ce bas monde. Celle d’Alex Claudet, le personnage principal de cette trilogie aux accents de tragédie, fait un peu froid dans le dos. Incapable d’échanger le moindre mot avec la femme qu’il aime encore, traité comme le dernier des chiens par son patron, régulièrement battu et humilié par des petites frappes au coin de sa rue, Marco, le seul véritable ami qu’il fréquente, se terre dans un appartement, aux fenêtres régulièrement repeintes en noir … Difficile de ne pas sombrer définitivement, à moins de se convaincre que la fille court vêtue et peu farouche de la compta, s’intéresse un temps soit peu à vous et ne soit pas insensible à votre numéro de charme. Ou de voir le meurtre atroce de son chef tyrannique comme un faits divers tombé du ciel. Mais il y a des bouées auxquelles on s’accroche qui ont vite fait de se révéler des enclumes qui vous envoient direct au fond du trou…
Le deuxième volet de ce triptyque très noir revient un peu plus sur le personnage de Mélina, la femme de Claudet, et s’attache à donner son point de vue sur leur histoire d’amour, sur son silence volontaire depuis qu’elle a appris qu’Alex ne lui donnerait pas d’enfant, et surtout, ce que lui a un jour dit Marco sur le douloureux passé de son mari, que tout le monde s’obstine à appeler Terry, lui rappelant constamment une époque honnie. Et parallèlement à cette histoire intime, l’enquête de la police sur le meurtre du directeur et de sa famille explore une autre voie, installant même un début de suspense… Tout cela est dessiné avec une grande aisance par Jean-Christophe Pol, qui utilise toutes les ressources de la planche pour raconter son histoire : des cases pleines pages, d’autres détourées ou biseautées, des pages quasi-muettes ou à l’inverse très bavardes, un lettrage en accord avec les mots et les actions des personnages… Bref, un album à ne pas rater, en attendant le troisième acte, annoncé pour le printemps 2007.
Une âme à l’amer, akt 2
Scénario et dessin Jean-Christophe Pol (Jicépol)
Carabas, 2006. – Collection Urban – 48 p. coul. – 12,95 €
[Chronique parue dans l'Ours Polar n°41, mars 2007]
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